Travailler plus pour gagner plus : Possible pour qui?

Sous l’impulsion du Président de la République qui en avait fait un slogan de campagne, le gouvernement a en effet souhaité favoriser le « travailler plus » en assouplissant certaines règles.
Des dispositions légales favorables
> En premier lieu, les entreprises bénéficient d’une marge de manoeuvre plus importante au niveau du temps de travail au-delà des 3 5 heu res. Ainsi, depuis le 22 août 2008, le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé par accord d’entreprise, d’établissement ou de branche. Ces heures donnent lieu à une majoration de salaire comme par le passé. Un point positif pour ceux qui ont en
effet envie ou besoin de faire des heures sup’, un point négatif pour ceux qui considèrent que donner plus de travail aux personnes en place réduit le nombre d’embauches, voire d’intérimaires.
> Seconde mesure phare, la création du statut d’auto-entrepreneur qui permet d’avoir une activité complémentaire déclarée. Un chiffre d’ affaires plafonné puisqu’il ne s’agit pas de l’activité principale, un taux de charge réduit, ce statut offre une grande liberté. Le statut d’auto-entrepeneur est un succès. 320 000 créations en 2009 pour la première an née et peut-être 400 000 en 2010, Il est vra i que un tiers des créateurs ne déclarait pas de chiffre d’affaires en 2009, mais même ainsi, ceux qui ont décla rés ont des revenus en progression. L’une des vraies révolutions pourrait bien être celles des retraités dont on sait qu’environ 200 000 travaillaient déjà avant la réforme, parfois officiellement, parfois non.
Un premier bilan « mi-figue, mi-raisin »
Il Il est un peu tôt pour faire un bilan sur des mesures qui ont été mises en place il ya moins de deux ans. D’autant que la politique s’en mêle. Le fait est que les Français se sont rués sur ce nouveau statut qui répond donc à un besoin. Il permet en effet de répondre à un manq ue, et sert aussi de plateforme d’essai à ceux qui ne veulent pas tout abandonner avant de se lancer à leur compte.
Cependant l’AFP a publié un communiqué qui met en avant un phénomène inégalitaire les hommes seraient les premiers à profiter des nouveaux dispositifs. Une conséquence de l’organisation de la vie du ménage : les femmes sont moins disponibles pour mener à bien des activités complémentaires, ou pour faire des heures supplémentaires. Pour la simple raison que ce sont elles qui ont généralement la responsabilité des enfants (aller les chercher, les garder pendant les vacances, etc.) ainsi que celle des tâches ménagères (les courses, le ménage, la cuisine). Difficile dans ces conditions d’être toujours prêtes à répondre oui aux diverses propositions de travail, même ponctuelles, qui peuvent apparaître. Ce qui est beaucoup plus simple pour une majorité d’hommes. Un choix parfois assumé avec une répartition des tâches dans le foyer, mais aussi parfois subi.
Pour qui?
- Salariés d’entreprises
Evidemment il y a ceux qui ont la chance de travailler dans une entreprise qui permet de travailler plus par le biais d’heures supplémentaires ou de travail le weekend. Une chance pour ceux qui justement sou haitent travailler plus et qui sont relativement libres de leur emploi du temps bien entendu. Encore faut-il travailler pour une société bénéficiant d’une bonne santé économique qui a besoin de personnel supplémentaire de façon régulière ou saisonnière. D’autant que l’année 2010 n’a pas été vraiment favorable pour les entreprises.
- Salariés à temps partiel
Viennent ensuite ceux qui travaillent à temps partiel, aux trois! quarts de temps qui n’ont plus de ce fa it à rechercher un autre contrat, voi re à accepter de tra-
vailler sans être déclarés. Il leur est désarma is possible de prendre eux-mêmes les choses en main, en prospectant par exemple auprès de leur domicile tout en offrant la possibilité à des employeurs potentiels une facturation simple sans TVA.
Dans le cas des services à la personne, les employeurs emploient souvent le système des chèques emploi service universel, mais ils hésitent lorsqu’il ne s’agit que de quelques heures ou d’une mission ponctuelle. Le fait de bénéficier d’un statut auto-entrepreneu r permet alors de lever cet obstacle.
- Les retraités
Ils peuvent évidemment bénéficier de ce système y compris lorsqu’ils ont déjà atteint la durée d’assurance nécessaire pour toucher leur retraite à taux plein. Ils ont alors deux possibilités: la surcote ou le cumul emploi retraite.
> La surcote permet aux assurés u ne majoration de leur pension fixée au départ à 1,25% pour chaque trimestre civil supplémentaire travaillé, soit 5% pour une année, 10% pour deux ans etc. Mais la surcote ne porte que sur la retraite de base (soit la moitié du plafond de la sécurité sociale), pas sur les complémentaires. Les gains sont donc assez modestes. En réalité, travailler plus longtemps peut être intéressant surtout si l’on peut continuer à cotiser pour les retraites type Arrco.
> Le cumul emploi retraite semble plus intéressant. On peut ainsi procéder à la liquidation de sa retraite et continuer à travailler via ce système.
On le voit, en théorie, tous les Français ont la possibilité de travailler plus pour gagner plus. Le souci étant que pour une partie de la population, et surtout en 2010, leur situation s’est précarisée. Ils travaillent donc souvent plus, mais pour parvenir à maintenir leur niveau de vie. Et ne gagnent donc pas plus, d’où le sentiment de mécontentement que l’on peut percevoir. Evidemment, il est toujours possible de se poser la question de savoir quelle serait la réalité sans ces nouvelles dispositions …
Il faut pourtant reconnaître que sur le fond, il est assez rassurant de savoir que n’importe quel citoyen aujourd’hui peut avoir une activité supplémentaire sans pour autant avoi r à se lancer dans une création d’entreprise à proprement parler, ni avec le stress de travailler au noir et la peur d’une dénonciation toujours possible.
Des entreprises et des salariés qui ne jouent pas le jeu …
Une étude récente a démontré qu’une partie des entreprises et salariés de la métropole a détourné quelque peu l’esprit de la loi. Le nombre total d’heures travaillées est resté identique, mais la part d’heures supplémentaires a augmenté. Un moyen pour l’entreprise de payer moins sur des heures sup’ défiscalisées et pour le salarié de gagner plus. Une façon de faire compréhensible. mais peu citoyenne qui coûte cher à la société dans sa globalité …