Comment protéger sa famille en cas de décès?

Des solutions de prévoyance existent et peuvent se révéler utiles pour faire face aux aléas de la vie. Reste à savoir lequel à choisir?
Les ménages français sont réputés pour être plus fourmis que cigales. Pour beaucoup d’entre eux, il est naturel de mettre de l’argent de côté en cas de coups durs sur des livrets bancaires ou des contrats d’assurance-vie. Toutefois, cette épargne de précaution peut se révéler insuffisante si l’un des membres du ménage venait à disparaître prématurément, surtout lorsque l’on démarre dans la vie.
Accident, maladie, personne n’est à l’abri de ce qu’on appelle communément un coup du sort. Les conséquences pour ceux qui restent peuvent être dramatiques: il n’est pas rare, en effet, que la chute des revenus d’un ménage soit nettement supérieure à la baisse de ses charges. C’est d’autant plus vrai pour les conjoints qui ont mis leur carrière professionnelle entre parenthèses pour élever les enfants du couple. Le maintien du train de vie devient alors un enjeu non négligeable que beaucoup de ménages n’ont pas pris la peine d’envisager, croyant, souvent à tort, que le régime de sécurité sociale prendra le relais.
- Des dispositifs légaux souvent insuffisants
Le capital-décès prévu par le régime général de la sécurité sociale est fixé en fonction des revenus que percevait l’assuré décédé. Il est égal à 91,25 fois le gain journalier de base retenu pour le calcul des indemnités journalières d’assurance-maladie, ce qui équivaut au salaire perçu par le défunt au cours des trois derniers mois civils précédant le décès. En pratique, le montant minimum du capital ne peut être inférieur à 363,71 euros. Le montant maximum est plafonné à 9 093 euros.
De plus, pour pouvoir toucher la somme, il convient d’en faire la demande auprès de la caisse primaire d’assurance-maladie dont relevait le défunt. Difficile, toutefois, de se projeter sereinement dans l’avenir au vu de la faiblesse de la somme.
Si le défunt était cadre ou assimilé, il bénéficie également d’un second capital-décès qui vient s’ajouter à celui versé par la sécurité sociale. En vertu de l’article 7 de la convention collective des cadres du 14 mars 1947, l’employeur doit cotiser à un régime de prévoyance comportant obligatoirement une couverture décès au profit de ses cadres ou assimilés. Bien qu’elle n’en ait pas l’obligation, l’entreprise peut faire bénéficier le reste de son personnel de la même couverture.
Le montant que peuvent toucher les proches du défunt varie en fonction du contrat signé par l’entreprise, le capital est toutefois plus conséquent puisqu’il peut osciller entre une et quatre années de salaire brut.
Toutefois, là encore, la somme allouée peut se révéler insuffisante pour maintenir le train de vie de la famille.
- Une temporaire décès peut être une solution pour de nombreux ménages
Pour protéger ses proches, l’assurance-décès, appelée temporaire décès dans le jargon des assureurs, peut se révéler utile. De quoi s’agit-il? En contrepartie du versement d’une prime annuelle qui varie selon l’âge du souscripteur et le montant des capitaux souscrits, l’assureur s’engage à verser un capital aux personnes désignées par le souscripteur du contrat.
Les néophytes confondent souvent assurance-décès et assurance-vie. Pourtant, les deux contrats correspondent à des démarches radicalement différentes: l’assurance-vie répond à un besoin d’épargne. Les sommes versées sur le contrat produisent des intérêts et seront versées aux bénéficiaires désignés lors du décès du souscripteur. Dans l’intervalle, le souscripteur est libre de puiser dans son épargne en fonction de ses besoins. L’assurance-décès répond à un besoin en prévoyance: la garantie de l’assureur ne joue que tant que le souscripteur est à jour du paiement des primes. Si ce dernier cesse de les verser, le capital ne sera pas versé aux bénéficiaires. C’est pourquoi on parle souvent de contrat à fonds perdus. Autrement dit, lorsque le souscripteur cesse ses versements, il ne récupérera pas un centime. Il en va de même si le risque ne se réalise pas. Ce mode de fonctionnement peut rebuter les plus économes qui auront eu l’impression d’avoir cotisé pour rien.
Toutefois, les avantages à souscrire une telle assurance sont nombreux: lorsque l’on est jeune (entre trente et quarante ans), les primes à acquitter restent modestes : environ 200 euros en moyenne par an pour un capital de 100 000 euros. L’effort financier reste donc raisonnable et apporte une protection immédiate puisque la garantie décès joue sans délai d’attente. Par comparaison, placer 200 euros sur un contrat d’épargne rémunéré à 3% rapporterait moins de 10 000 euros au bout de vingt ans. L’effet multiplicateur entre le montant de la prime payée et les capitaux versés devrait donc inciter les ménages à s’intéresser à ce type de couverture. L’assurance-décès constitue une précaution quasi-indispensable pour les jeunes couples qui démarrent dans la vie et ne gagnent pas encore suffisamment pour se constituer un patrimoine conséquent. Il en va de même pour les couples où seul l’un des conjoints travaille. La présence d’enfants en bas âge peut également être un motif de souscription dans la mesure où il est possible d’opter pour le versement d’une rente d’éducation dont bénéficiera l’enfant jusqu’à son entrée dans la vie active.
Une autre différence qui avantage les contrats décès par rapport aux contrats d’épargne: les capitaux versés par l’assureur échappent aux droits de succession, quel qu’en soit le montant ou les bénéficiaires. Plus précisément, l’article 990-I du Code général des impôts ne s’applique pas sur le capital reçu, mais sur la dernière prime versée par le souscripteur l’année de son décès. Autrement dit, il est possible de transmettre plus de 152 500 euros en franchise d’impôts avec une temporaire décès.
- Des formalités médicales à ne pas négliger
«Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore», écrivait Jules Romains dans sa pièce de théâtre Knock. Si l’on forçait un peu le trait, on pourrait dire que les assureurs adoptent le même raisonnement avant d’accorder leur garantie.
C’est que techniquement la souscription d’un contrat d’assurance-décès fait intervenir des données statistiques (l’espérance de vie de l’assuré), mais aussi des données personnelles qui dépendent de l’état de santé de l’assuré. La combinaison des deux éléments permet à l’assureur de fixer le montant de la prime à acquitter pour garantir le paiement d’un capital si le souscripteur décède ou s’il est frappé d’invalidité. Pour le souscripteur, le passage obligé consiste donc à se soumettre aux formalités médicales exigées par l’assureur. Pour des montants de garanties élevés (en général au-delà de 150 000 euros) et si l’assuré est âgé de plus de quarante-cinq ans, l’assureur lui fera passer un examen médical dans un centre agréé. Au programme: tests d efforts, prise de sang et analyse minutieuse de l’état de santé du souscripteur. Selon les résultats, l’assureur peut accepter ou refuser sa garantie. Pour des montants moins importants et des assurés dans la fleur de l’âge, les assureurs se contentent d’un questionnaire médical.
Cette formalité «allégée» n’est toutefois pas a prendre à la légère. En cas de déclaration inexacte ou erronée, l’assureur est en effet en droit de minorer le montant de sa garantie, mire de la refuser en vertu de l’article L. 113-8 du Code des assurances. Le souscripteur a donc tout intérêt à être le plus honnête possible dans ses déclarations: ne pas mentir ou minorer l’existence de maladies passées ou d’antécédents familiaux. Pareil en ce qui concerne l’usage du tabac. Le fait de fumer fait en général grimper les tarifs de l’assurance d’environ 20%. Si le souscripteur en grille une à l’occasion il a tout intérêt à l’indiquer plutôt qu’à jurer mordicus le contraire à l’assureur.
Les différents types d’assurance-décès existant sur le marché
- La temporaire décès: L’assurance-décès la plus fréquente. Comme son nom l’indique, elle est souscrite pour un laps de temps déterminé; en pratique, elle est renouvelable d’année en année.
- L’assurance-vie entière: Plus rare. Elle garantit un capital minimal au bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, quelle que soit la date du décès de l’assuré. Il s’agit donc plus d’une prestation complémentaire à une épargne.
- L’assurance-homme clé: Il s’agit d’une assurance-décès contractée par une entreprise, sur la tête de ses dirigeants ou de certains de ses collaborateurs. Cette assurance vise à compenser l’entreprise du préjudice financier que causerait le décès ou l’incapacité du dirigeant ou du collaborateur à poursuivre son activité. Un capital serait alors versé à l’entreprise.
- L’assurance-emprunteur: cette assurance vient se substituer à l’emprunteur pour le remboursement d’un crédit lorsque survient un événement prévu au contrat, tel que le décès, la perte de l’emploi ou l’invalidité de l’emprunteur.
- La garantie plancher au sein d’une assurance-vie: Cette assurance garantit aux bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie qu’ils récupéreront, au décès du souscripteur, le montant des versements effectués sur le contrat, même si le capital accumulé a baissé du fait des fluctuations boursières.
- La prévoyance: une activité encore modeste chez les CGPI
Dans la 5e édition de son Baromètre du marché des CGPI, BNP Paribas Cardif indique que la prévoyance ne représente que 8% de la part des produits distribués par les conseillers. Par comparaison, l’assurance-vie pèse 46% dans leur activité. Pourquoi aussi peu? «La plupart des conseillers ont surtout une culture financière qui les aide dans leurs préconisations en matière d’épargne, or lorsque l’on aborde le domaine de la prévoyance, les réflexes techniques sont complètement différents. On ne peut pas l’aborder sérieusement sans de solides connaissances préalables», explique un conseiller en gestion de patrimoine et gérant de Septentrion Patrimoine.
Selon le dernier livre blanc d’Aprédia, 61 % des conseillers interrogés considèrent le domaine de la prévoyance comme un relais de croissance pour leur activité. En pratique, peu d’entre eux arrivent à se développer sur ce marché. Certains réseaux en font toutefois le fer de lance de leur activité, comme les agents prévoyance et patrimoine d’Axa, par exemple, qui comme leur nom l’indique ont une démarche active en la matière. «Les conseillers indépendants sont plus tribuiaires de l’épargne pour développer leur activité, les agents généraux prévoyance et patrimoine ont une approche plus équilibrée de leur activité. C’est de la démarche en prévoyance que découle le diagnostic patrimonial et non l’inverse, comme le font habituellement les conseillers indépendants», analyse le directeur général d’Axa Prévoyance & Patrimoine.
- La prévoyance est-elle une question de méthode?
Les conseillers ne manquent pourtant pas d’arguments en leur faveur pour se développer en prévoyance. Tout d’abord, le temps qu’ils consacrent à leurs clients ou leurs futurs clients dans l’élaboration de leur diagnostic patrimonial, plus élevé que dans les grands réseaux bancaires, peut leur donner une légitimité en matière de conseil en prévoyance. Ensuite, les conseillers ont l’habitude de travailler avec plusieurs fournisseurs. Ils ont donc à leur disposition plusieurs types de contrats en assurance-décès. Ce qui représente autant de solutions à proposer à leurs clients. «La prévoyance est un domaine technique qui suppose une très bonne connaissance de l’environnement réglementaire et des différences existant entre les différents régimes professionnels. Un chef d’entreprise n’aura pas les mêmes besoins en la matière qu’une profession médicale. Si on n’est pas préparé, on ne peut pas faire illusion très longtemps», prévient le directeur général d’Axa Prévoyance & Patrimoine. Ce n’est donc qu’avec une bonne formation préalable que le conseiller pourra envisager de se développer sur ce marché. Ainsi, au sein du réseau Axa Prévoyance & Patrimoine, le temps de formation initiale est de trois mois. «La formation doit lui donner les clés pour maîtriser tous les aspects de son métier à la fois sur un plan technique et réglementaire, mais aussi sur le plan des produits. Il bénéficie également de l’acquisition d’une démarche commerciale propre à ce réseau d’Axa», explique le directeur général.
Du côté des plates-formes à destination des CGPI, l’intérêt de leurs partenaires pour la prévoyance a également été identifié. Beaucoup réfléchissent à la meilleure façon d’aider les conseillers à percer sur le marché. Même si cela reste complexe à gérer, notamment sur le plan commercial puisqu’il est nécessaire d’avoir des inspecteurs spécialisés dans le domaine pour seconder les conseillers sur le terrain. Or, ce n’est que si l’activité se développe et engendre un certain volume d’affaires que la logistique commerciale suivra.
- Une approche plus complète des attentes du client
La prévoyance touche à l’intime, puisqu’elle revient à se demander quelles seront les conséquences d’une disparition vis-à-vis des proches. Le philosophe Spinoza écrivait que nous avons de la mort une expérience vague. Au fond, c’est toujours la mort des autres que nous éprouvons, jamais la nôtre. Pourtant, anticiper les conséquences d’un décès force à se poser les bonnes questions. Notamment à bien estimer ses besoins de couverture. Une démarche que le conseiller est tout à fait légitime à aborder avec son client. Un client est généralement soit insuffisamment couvert, soit mal couvert en matière de prévoyance. S’il n’est pas assez couvert, il convient d’analyser avec lui ce qu’il peut faire pour ses proches pour mieux les protéger. S’il est mal couvert du fait d’un trop grand nombre d’exclusions dans le contrat, il faut également le lui indiquer et lui faire souscrire les garanties adaptées à sa situation. Le jargon technique employé par les assureurs dans les contrats nécessite une démarche pédagogique. C’est l’occasion de faire comprendre au client que comparer des contrats décès uniquement sur le critère du prix est une mauvaise méthode. Mieux vaut s’attarder sur ce que le contrat couvre ou exclut en terme de garanties.
Si la démarche prévoyance prend du temps, elle peut être l’occasion pour un conseiller de fidéliser un client qui, s’il estime avoir été bien éclairé dans la protection de ses proches, consentira plus facilement à revoir ses solutions patrimoniales avec ce même interlocuteur.
Petit lexique des termes courants dans une assurance-décès
- Accident: Toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l’assuré et provenant directement de l’action soudaine et imprévisible d’une cause extérieure. Ce qui exclut un suicide, par exemple, généralement non couvert par l’assureur durant la première année du contrat. Certains assureurs excluent le suicide de façon permanente du champ de garantie.
- Délai de carence (ou délai d’attente): Période durant laquelle les garanties en cas d’incapacité ou d’invalidité ne s’appliquent pas. Un point sur lequel l’assuré doit être particulièrement vigilant notamment en ce qui concerne la prise en charge des maladies.
- IAD: l’invalidité absolue et définitive, selon les critères de la sécurité sociale, concerne une personne qui, à la suite d’une atteinte corporelle (accident ou maladie), se retrouve dans l’incapacité d’exercer une profession quelconque et doit recourir à l’aide d’une tierce personne pour effectue les actes ordinaires de la vie (se laver, se nourrir, se déplacer). Il s’agit d’une couverture obligatoire dans le cadre d’un crédit immobilier.
- Maladie: Toute altération de la santé médicalement constatée. Il s’agit de la garantie qui doit être la plus étudiée avec l’assuré, car les assureurs ont une politique de prise en charge qui varie d’une compagnie à l’autre, surtout en ce qui concerne les maladies d’origine psychique qui font souvent l’objet d’un délai de carence (voir ce terme}. Même chose en ce qui concerne les troubles musculo-squelettiques, autrement dit le mal de dos, qui n’est admis que très restrictivement par l’assureur.
- PTIA: La perte totale et irréversible d’autonome couvre le même champ que l’IAD, soit une atteinte corporelle suffisamment grave pour empêcher l’assuré d’exercer une activité professionnelle. Elle est généralement associée à la couverture du risque-décès par l’assureur.