Attention aux frais de gestion de vos SICAV

Ne pas regarder les frais de sa Sicav, c’est comme acheter une voiture sans s’intéresser à sa consommation. «Si les performances passées ne préjugent pas des performances à venir, les frais passés donnent une bonne idée du boulet que certains gérants doivent porter», prévient Fréderic Lorenzini, directeur de la recherche de Morningstar France. Et s’ils ne font qu’éroder les gains lorsque la Bourse monte, les frais aggravent les pertes lorsqu’elle baisse, quoi qu’en disent ceux qui soutiennent que l’on trouve des fonds chargés en Irais en tête de classement!
Surveiller les frais permet aussi de détecter des conflits d’intérêts. En 2008, une société de gestion, Edelweiss Gestion s’est vu reprocher par l’Autorité des marchés financiers (AMF), car elle avait fait tourner exagérément son portefeuille afin d’engranger des commissions de mouvement. S’il n’y a pas eu de condamnation depuis, des dérives restent possibles. Car tant que les performances du fonds ne se détachent pas du lot, une pratique indélicate ne sera pas forcément détectée. Mais l’épargnant avisé en aura peut-être été alerté par les frais. Pas si simple dites-vous? Avec le nouveau document d’informations clés pour l’investisseur (Dici, ou Kiid pour Key Investor Information Document), vous saurez très vite combien vous coûte votre gérant et vous pourrez faire des frais l’un des critères de sélection de vos Sicav.
Un document qui vous dit presque tout
Ce document est obligatoire pour lés nouveaux fonds depuis juillet 2011 et le sera en juillet 2012 pour les autres (directive OPCVM IV du 13 juillet 2009, transposée en France le 1er août 2011).
Sur une page recto verso, le Dici résume les caractéristiques de votre fonds. Au verso, il indique les frais d’entrée maximum. Puis il décrit les frais prélevés au cours de l’année écoulée: d’abord, les frais courants réels (les frais de gestion fixes plus les commissions variables) et, s’il y a lien, la commission de surperformance (voir l’encadré, p.21). Le Dici remplace le « prospectus simplifié », qui n’avait de simplifié que le nom, puisqu’il détaillait les modalités de prélèvement des frais dans sa partie A et les frais réellement pris dans la partie B des statistiques, sur plus de dix pages. Évidemment, à force de simplifier, on perd de l’information. N’hésitez pas à poser des questions pour vous aider dans le choix d’un fonds.
Négociez les frais d’entrée
Première source de frais, les frais de souscription qui rémunèrent: votre intermédiaire, qu’il s’agisse de votre conseiller en gestion de patrimoine indépendant: (CGPI), ou de votre banque. N’oubliez pas que c’est le taux maximal qui est: indiqué, à négocier donc. Vous verrez aussi s’il y a des frais de sortie. Peu de fonds en facturent. Mais tel est: le cas, par exemple, de Moneta Micro Entreprises qui prélève 0,5 % sur les ventes. Certains en prévoient la possibilité mais ne l’appliquent pas, comme la Financière de l’Échiquier (vous évitez ainsi 2% sur la vente de parts du fonds Échiquier Major).
Autre conseil: privilégiez les offres à frais d’entrée nuls ou réduits des courtiers en ligne Boursorama et Fortuneo, Bourse Direct … Ils proposent des centaines de fonds sans frais d’entrée et sans frais de garde. Si, malgré tout, vous acquittez des frais d’entrée, tenez-en compte dans le calcul de votre gain. Les performances des fonds sont toujours affichées nettes des frais de gestion, mais pas de frais d’entrée, ni de sortie.
Choisissez vos parts selon leurs frais courants
Quel boulet tire à son tour votre gérant? Muni du nouveau Dici, vous trouverez les frais courants, sous l’entête « frais prélevés par le fonds sur une même année». S’y agrègent les frais de gestion et les commissions de mouvements (auparavant détaillés dans le prospectus simplifié).
Ces frais varient d’un fonds à l’autre et même d’une part à l’autre. Ainsi, sur le fonds EdR Selective Europe, géré par Edmond de Rothschild Asset Management, les frais de gestion passent de 1% à 2,40%. Cette différence se répercute sur les frais courants qui montent de 2,75% à 4,10% selon le type de parts. Cette société aurait intérêt à diminuer ses charges qui réduisent des performances parfois attrayantes. A l’instar d’EdR Selective Europe, la plupart des fonds d’actions distribués par les CGPI subissent autour de 2,40% de frais de gestion fixes.
Mais des parts moins chargées sont souvent à portée de clic chez les courtiers en ligne. Ainsi, pour investir dans EdR Sélective Europe, les lecteurs avertis préféreront la part A, tout aussi abordable (173,15 Euros, voir le tableau) et aux frais de gestion limités à 2% au lieu de 2,40%. A vous de vérifier que votre intermédiaire vous propose la meilleure part pour vous. Car, à la différence du prospectus simplifié qui les décrivait toutes sur un même document, il y aura désormais un Dici par part ..
Consultez donc les sites Internet des sociétés de gestion. Vous y trouvez les différents Dici disponibles pour un même fonds, ou consultez les bases de données des comparateurs comme Morningstar (www.moringstar.fr) ou des courtiers en ligne qui proposent des gammes de fonds plus larges que celles des CGPI. Ensuite, vous pouvez comparer les frais courants

Les frais des meilleurs fonds "Actions Europe mixte"
Recherchez les conflits d’intérêts
Il sera moins facile aussi de se rendre compte d’un conflit d’intérêts avec le Dici qu’avec le prospectus simplifié. Car les indicateurs qui permettaient de s’en apercevoir très vite – les commissions de mouvements, les frais de transactions et le taux de rotation – sont fondus dans la masse ou disparais sent.
Par exemple, EdR Selective Europe et Sextant PEA (voir le tableau) prélèvent tous deux des frais de gestion fixes de 2,40%. Mais le premier y a ajouté 1,02 % de commission de mouvement et le second 0,01%. D’où des frais courants de 3,42% chez l’un et de 2,41 % chez l’autre. Autant dire que la société Edmond de Rothschild Asset Management fait beaucoup tourner ses portefeuilles. En revanche, Amiral Gestion a des rémunérations plus modestes.
Désormais, il faudra chercher une aiguille dans une botte de foin (prospectus complets et rapports annuels des fonds, et encore, si la comptabilité est lisible) ou interroger les gérants pour réunir ces informations.
Veillez aux commissions de surperformance
Enfin, pour arriver aux frais totaux, il faut ajouter les commissions de surperformance. Elles figurent au Dici sous l’entête des « frais prélevés par le fonds dans certaines circonstances ».
Ces commissions de surperformance sont les plus rémunératrices, car elles ne sont pas des frais fixes, mais récompensent la performance du gestionnaire. À vous d’en juger par la qualité de l’indicateur retente s’agit-il d’un indice de référence pertinent, est-il dividendes réinvestis (c’est plus difficile à battre) ou s’agit-il d’un seuil fixé à l’avance et est-il facile à atteindre? Enfin, les frais de gestion courants sont-ils réduits en conséquence comme cela est (en principe) la règle?
Amiral Gestion, par exemple, a modifié en début d’année sa rémunération. Jusqu’à présent tous ses fonds prenaient une commission de surperformance fixée à 15% du gain au-delà du seuil de 5%. Il suffisait que la Bourse monte pour que le gérant soit récompensé, en démontrant son talent. Désormais, le fonds Sextant Autour du Monde prélèvera une commission de surperformance de 15 % au-delà du MSCI World, dividendes nets réinvestis. Et Sextant Peak Oil suit le même chemin en se jaugeant, quant à lui, sur le MSCI World Energy dividendes nets réinvestis.
Dorénavant, c’est le talent du gérant qui sera récompensé. Le geste peut être apprécié, et ce d’autant plus qu’Amiral Gestion a réduit ses frais de gestion fixes sur ces deux fonds, qui passent de 2,4% à 2,25%. En outre, la société s’est engagée à ne prendre de commission de surperformance en 2012 sur aucun de ces deux fonds.
Reste à savoir si elle s’en dispensera en cas de performance négative mais moins mauvaise que leur indice… En effet, Amiral ne s’impose pas de high water mark (niveau haut de l’eau) .. Ce marqueur interdit de prélever une commission de surperformance tant que le fonds n’a pas retrouvé sa plus haute valeur liquidative.
Amiral Gestion s’est montrée vertueuse: après les pertes de 2008, la société avait suspendu les commissions de surperformance sur tous ses fonds. Un geste remarqué. Mais, dès 2010, elle en reprenait une de 2,15% sur le fonds Sextant PEA sans que celui-ci ait retrouvé son plus-haut. D’où une facture finale nettement plus élevée pour Sextant PEA (4,56%) que pour EdR Selective Europe (3,70%) qui s’est octroyé une commission de surperformance plus modeste (O,68%). De quoi annuler la modestie de ses commissions de mouvement (voir plus haut), Les sociétés vertueuses s’abstiennent de se récompenser sur ces «Yo-Yo» de la Bourse en respectant le principe du high water mark.
Examinez bien ,les documents d’information
La chute des marchés depuis les plus-hauts de 2007 peut peser sur les gestionnaires peu innovants! Il faut trouver un équilibre entre les intérêts des clients et ceux des gestionnaires. Et privilégier aux frais fixes ceux du talent! Sachez que les établissements évoluent .. Suivez leurs résultats.
Une Sicav qui reproduit un indice ne doit pas prendre plus de 1% de frais. Une Sicav qui effectue une sélection active d’actions sur des spécialités pointues élu sur des zones lointaines peut prélever jusqu’à 4,5% pourvu qu’elle ait de bons résultats dans la durée.
Le mille-feuille de frais ne doit pas vous faire abandonner les Sicav, mais il mérite bien une sévère inspection.